Être neutre = s’abstenir de prendre parti.
À première vue cette prise de position, car c’en est une, est une option dont on ne peut retirer que des avantages… À la suite, en 1815, du Congrès de Vienne et du Traité de Paris, elle a en tout cas permis à notre pays d’assurer son existence avec une certaine quiétude, et même lui a rapporté nombre de bénéfices, c’est indéniable. Si l’on considère la question sur un plan strictement politique, un respect à la lettre de la neutralité est donc certainement la meilleure des alternatives. C’est d’ailleurs ce que clame à cor et à cris le plus grand parti politique de Suisse. Fort de ce qui lui semble une évidence, l’UDC, sans cesse cornaquée par son vieux sage zürichois, n’arrive alors pas à comprendre qu’il puisse maintenant y avoir en Suisse divergence sur cette question…
Eh bien oui, il y a aujourd’hui divergence! On n’est plus au XIXe siècle, les temps changent, les esprits aussi! Le déclenchement de l’agression contre l’Ukraine par la Russie de Poutine (et non l’inverse comme le prétend toujours le cynique dictateur issu de l’ex-KGB soviétique) a été pour tous les Européens un choc émotionnel considérable. Stupeur! Horreur! Des dégâts matériels énormes, des victimes innocentes par milliers! Soi-disant humilié par l’Europe, l’OTAN et les USA, nostalgique de la grande Russie des tsars et de l’omnipotent régime communiste, Poutine éructe et vomit à longueur de journée sa rancœur et sa détestation de l’Occident. Tout en proclamant qu’il n’a pas déclaré la guerre, ce n’est qu’une «opération spéciale»! Grotesque Pinocchio!!!
Poutine s’en prend à l’Ukraine qui, encore imparfaitement, était en train de s’essayer à la démocratie.
Mais, d’une pierre deux coups, et il ne s’en cache pas, le machiavélique despote veut régler son compte à l’Occident et à ses valeurs totalement décadentes à ses yeux (comme si son régime était digne de louanges…). Oui, il y a danger. D’un paranoïaque on peut s’attendre à tout, on est sûr de rien! En l’occurrence, au milieu de cet Occident si décrié, la Suisse a eu tout à fait raison de reprendre les sanctions de l’Union européenne et, accessoirement, d’explorer des pistes de rapprochement avec l’OTAN. On est toujours plus fort à plusieurs que tout seul, ne l’oublions pas. Par ailleurs, rester totalement neutre devant la Russie poutinienne belliqueuse eût été égoïste et d’une lâcheté sans nom vis-à-vis de l’Europe dont on fait intrinsèquement partie et dont nous partageons les valeurs. Alors oui, dans un cas aussi spécifique et particulier que celui-ci, une entorse à la stricte neutralité se justifiait, bravo et merci à nos autorités fédérales de l’avoir majoritairement compris, en dépit des sempiternelles récriminations de l’UDC.
Au sein du concert des Nations, la neutralité politique de la Suisse doit certes demeurer un statut préférentiel mais, à notre époque, et de cas en cas tout à fait exceptionnel, il est simplement de bon sens et d’éthique de pouvoir s’en affranchir!
Michel Hangartner
Vallorbe