Une grande artiste combière : Lina Piguet

Ce que l’on sait moins, c’est que Lina Piguet était, en plus de ses qualités d’animatrice, dite la fée de la montagne !, une artiste de talent. En peinture elle avait opté pour un style tout en lumière et en légèreté, devant sans aucun doute ce style au peintre Laverdet, interné français lors de la première guerre mondiale, arrivé au Pont en 1916. Cet artiste parisien avait continué à peindre et à exposer à la Vallée de Joux où devrait se retrouver quelques-unes de ses productions. L’homme avait été blessé lors des combats. On en a pour preuve l’une de ses béquilles déposée au Patrimoine de la Vallée de Joux ! Il fut accueilli chez Henri Rochat-Golay du Chalet Suisse au Pont, famille qu’il put remercier en lui offrant une ou plusieurs de ses œuvres.

M^lle Piguet eut donc l’occasion de fréquenter les cours de peinture de notre artiste parisien et d’opter pour cette technique très originale de peinture à l’huile, où l’essentiel est mis sur les formes et les couleurs, mettant de côté tout détail superflu.

Elle organisa une première exposition au Collège du Chenit en 1919 :

Elle récidiva dans les mêmes locaux en avril 1923. La FAVJ du 19 avril de cette année-là lui consacre un bel article :

Exposition de peinture.

L’exposition de peinture de M^lle Lina Piguet a pleinement réussi. Ceux qui s’intéressent aux manifestations artistiques de quelle nature qu’elles soient n’auront pas manqué de se rendre à Sentier-Collège samedi ou dimanche.

Les grandes toiles n’étaient pas en nombre, c’est vrai, mais chacun a pu cependant admirer maint paysage connu remarquable par la sincérité de l’exécution, l’équilibre de la composition ainsi que par une touche très personnelle et artistique.

M^lle Piguet expose quelques vues du bord du Léman ; à noter la plage de Vidy, le quai d’Ouchy, etc., qui sont lumineux de toute la clarté du bleu Léman. Mais plus que tout autre, le Combier est chauvin. Il admire surtout ce qui le touche de tout près. C’est pourquoi son intime préférence va d’emblée aux sites familiers, au Jura, aux coins de chez nous. Mieux que tout autre peut-être il aura senti le charme mélancolique et presque tragique des bouleaux de la Sagne au déclin de l’automne.

Le Patrimoine a la chance de posséder quelques œuvres de cette artiste qui retrouvera sans doute petit à petit la juste place qu’elle mérite. Notons qu’elle n’était pas toujours très exigeante sur les supports choisis, délaissant parfois les toiles pour de simples cartons qui n’ont fait que se voiler au fil du temps.

A titre de curiosité, une peinture de Lina Piguet figura dans une vente d’œuvres diverses, toutes en rapport avec la Dent de Vaulion, organisée par un privé fanatique de notre belle montagne il y a quelques années à la brocante de L’Abbaye. Elle était précisément sur carton. Son prix ridicule d’environ 20.- montre à quel point notre artiste combière était désormais oubliée et surtout sous-évaluée. Les deux toiles qui accompagnent ce modeste article permettront de se rendre compte de l’injustice flagrante que le temps et son public combier lui ont infligé.

Notons au passage que deux de ses œuvres figurent tout de même dans l’ouvrage consacré par l’Essor il y a quelques années aux peintures propres à la Dent de Vaulion. D’autres peintures avaient aussi servi de motifs pour des cartes postales éditées dans les années vingt ou trente par la LVT, section Vallée de Joux, malheureusement en simple sépia. L’un des trois sujets sélectionnés représente le village du Sentier vu de La Côte. Un pur chef-d’œuvre !

Lina Piguet, née en 1875, décéda en 1962. Elle était fille de Victorin Piguet, horloger combier bien connu. Elle avait été présidente du CSFA Vallée de Joux de 1926 à 1936. Tous renseignements complémentaires à son égard seront les bienvenus. Elle mérite une réhabilitation d’urgence !

Patrimoine de la Vallée de Joux
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