Eh bien, voilà de la visite, Carn, Carni, Carnivo. Tu les connais Louveau?
Mais oui, c’est les enfants de Carnivore de la meute du Risoud.
Ah oui, maintenant que tu le dis, je les reconnais.
Quel bon vent?
Une envie de promenade, de vous rencontrer, dit Carn, et puis de loin on a senti la viande fraîche, ajouta Carni, vous avez l’air bien repus, quel est le menu du jour?
C’est une génisse de race Limousine, bien en viande et jeune, cela c’est de la viande, des sacrés bons morceaux, des cuisses, des aloyaux, des épaules énormes, ça change avec le gibier.
Oui, et la viande est différente, dit Loulou.
Chienloup de poursuivre, on les a bientôt toutes dégustées, il faut dire que la région regorge d’un vaste choix.
Ah oui, on en a eu un aperçu en venant vous trouver, dit Carnivo.
Contrairement aux moutons et chèvres, les races bovines sont nombreuses dans les environs, les Charolaises sont énormes avec des culs comme les camions Saurer, les Limousines dont vous pouvez vous bâfrer, avant de reprendre le chemin du Risoud, dit Chienloup.
Loufoque prit la parole, les Angus sont nombreuses et bien en viande, les
Holstein moins, mais la viande est fine et délicieuse, quelques Piémontaises souvent croisées avec d’autres races, peu d’Hérens.
Canidé, Canis, Lupus et Loupiot ont découvert les Highlands, des petites vaches poilues aux grandes cornes. Les côtes de bœuf sont petites avec un bon goût, ils ont une préférence pour cette race.
C’est bien joli tout cela, dit Vieuloupdemer, mais le garde-manger va bientôt se vider, les génisses, les vaches, les veaux vont bientôt regagner les villages et la plaine, avec le froid de loup qui va nous tomber dessus.
Loupmarsupial prit la parole, il y aura toujours des stabulations, le bétail est à l’air libre dans de petits enclos, facile à attraper.
Oui, mais dit Loupblanc, il faudra se rapprocher des habitations. C’est des risques à prendre, dit Jeuneloup, et puis les paysans sont fatigués, ils dorment bien la nuit.
Loupgarou fit une proposition, on devrait se retrouver toutes les meutes de la Vallée de Joux et environs pour une séance d’informations, les meutes du Marchairuz, du Risoud, de L’Abbaye, Juriens, il serait bon de trouver un nom à ces derniers.
Après un bon gueuleton, définir les sites de chasse pour chacune des meutes, prendre garde de ne pas trop affaiblir la faune environnante, penser à nos enfants et petits-enfants qui devront bien se nourrir, convoquer les loups cerviers, leur chef Cervanus, ils sont friands de cerfs.
Eh, vous les jeunes, c’est de votre avenir que l’on discute, c’est trop vous demander d’écouter, vous ne pensez qu’à vous bâfrer, vous pensez que les proies vont toujours se jeter dans la gueule du loup, vous Louveteau, Jeuneloup, Lunean, Lambrouille et Petitloup, tenez vous tranquilles un moment.
Il faudra aussi prévoir de séparer les meutes qui deviennent trop importantes dans la région, les chasseurs gueulent au loup, nous leur coupons la viande sous les pieds, les paysans nous prennent en grippe et en aversion. A nos débats on croyait que c’était comme à la Migros, self-service, mais je crois, dit Louve, on en parlait avec Louvette et Louvache l’autre jour, qu’on a un peu exagéré ces derniers temps, en choisissant la solution de facilité.
Oui c’est vrai, approuva Cervidé, il est urgent de discuter avec Lycanthrope et sa clique, Lukos entre autres.
Prédugazon leva la main et prit la parole, à trop manger du bovin, les éleveurs vont déserter les pâturages, et je me vois mal me déplacer dans les hautes herbes, les chardons, les ronces et les gentianes.
J’approuve votre proposition, dit Louvetôt, de séparer les meutes, que les nouvelles émigrent du côté des villes: lors des votations sur la chasse, c’est les habitants des villes qui nous ont apporté leur soutien, on sera bien accueillis.
C’est juste, dit Crocblanc, et les villes regorgent de bons morceaux, des toutous, des chats, lapins, hamsters, rats, quelques oiseaux, une fois déplumés, c’est assez faisandé.
Ah, voilà Rintin ce vieux solitaire.
Il y a longtemps que l’on ne t’a pas vu, dis donc, as-tu mangé?
Quelques taupes, comme amuse-gueule, en venant j’ai sectionné les jarrets d’un cerf au cas où vous n’auriez rien à m’offrir, cela facilitera sa capture à mon retour, si j’ai encore une petite faim.
Tu es toujours le même Rintin, sanguinaire, et vous, lorsque vous videz les entrailles et boyaux de vos victimes avant de les tuer.
C’est bon avec vos leçons dit Coriace, du moment que j’ai la parole, il faut que je vous dise, aux infos ce matin, l’Etat de Vaud veut réguler les meutes, je ne connaissais pas ce terme, j’ai compris par la suite, qu’ils veulent tuer un ou deux membres de nos communautés.
Je connais la politique, intervint Loupdemer, ne vous effrayez pas, d’ici que Lausanne prenne une décision suite à une étude, transmette la demande à Berne, qu’elle soit acceptée et signée, cela peut durer, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. J’ai même entendu, dit Oeildelynx, qu’ils font des recherches pour nous modifier génétiquement afin que l’on soit attirés par la viande de sanglier aussi en surnombre.
Bon avec cela, plus de bovin, ménager les chevreuils, les cerfs, les grands tétras, qu’est-ce qu’on va manger cet hiver, dit Loupiot?
On devra se rabattre sur quelques bipèdes.
Tu crois, dit Canine.
Ben pourquoi pas, ils sont bien musclés, souvent jeunes, un changement de régime, c’est bon à prendre. Ce serait un comble de manger un pro-loup, passe encore un anti-loup, ou un photographe animalier, dit Mâchoiredacier.
Je l’ai entendu avant de le voir, un photographe à l’heure de la sieste roulant au ralenti dans les chemins de traverse, avec son 4X4, lorsqu’il est sorti de son véhicule avec son appareil, j’ai cru qu’il avait un lance-roquettes.
C’est bon dit Chienloup, vous faites comment pour identifier les pro-, les anti-, les espions, les collabos?
Quand il fait un froid de loup et en plus tu as une faim de loup et tes louveteaux qui crient famine, tu attaques le premier venu, tu réfléchis ensuite.
Bon assez tergiversé pour aujourd’hui, proclama Dentlongue, gardons quelques réflexions pour notre prochain pique-nique avec nos cousins.
Daniel Rochat, Les Bioux