Chaque région a son histoire, découlant en partie de sa situation géographique, de la clémence de son climat, de la valeur de ses terres. Aucune qui ne peut prétendre ressembler vraiment à une autre. Toutes ont connu des trajectoires différentes.
Cette situation concerne de même la Vallée de Joux, qui, mieux encore que beaucoup d’autres, de par cette situation unique d’être dans une vallée fermée, donc point d’écoulement d’eau visible, et par conséquent point de passage que l’on peut fréquenter sans aucune difficulté, si ce n’est du côté de l’ouest, vers la France, mais alors la frontière a manifestement servi de barrière, a connu une espèce de civilisation unique en son genre.
Le climat y étant rude, l’agriculture permettait juste d’y nourrir une population qui serait restée stable dans le nombre total de ses habitants. Mais jouissant d’un fort pourcentage d’accroissement, par décennie ou par siècle, il n’était pas possible de nourrir encore autant de monde. Deux solutions s’offraient alors pour résoudre ce problème en apparence insoluble. D’une part prendre la clé des champs et aller voir en des lieux plus cléments si la terre permettait de nourrir ce surplus de population, ou d’autre part rester sur place, mais par contre procéder par la voie des échanges. Vous avez trop de nourriture par là-bas, nous on n’en a pas assez. Par contre vous n’avez qu’une industrie peu développée, nous par contre, nécessité fait loi, nous pouvons vous fournir ce qui vous manque. Ce sera en conséquence dans un premier temps du minerai de fer, du charbon de bois, puis bientôt des outils et de la boissellerie, et enfin, quand sa fabrication en sera devenue à la mode, des horloges et des pendules d’église, mais mieux encore des montres.
Le problème étant en partie résolu, on pourrait donc pour l’essentiel rester au pays. Toutefois ce serait-là sans compter les crises qui peuvent affecter cette même industrie qui n’aura plus besoin d’autant de bras, et par conséquent voilà le retour de l’émigration.
Des hauts et des bas en permanence, des inquiétudes surtout, non pas de tous les instants, car l’on a connu de grandes époques dans tous les domaines, qui vous forgent leur homme à la longue. Les épreuves, elles ne doivent pas vous mettre à terre, mais vous demander de trouver de nouvelles idées afin de surmonter les difficultés.
Voilà en quelques mots le destin de cette Vallée que l’on dit parfois fermée. Mais si l’on analyse bien l’histoire, l’on se rend vite compte que par le système des échanges, et quelques soient les difficultés des déplacements, on réussit toujours à franchir les cols, et même en hiver, et par cela à joindre en permanence le reste du pays. On commerce à tout va, en ce vieux temps dont le mode de vie tend peu à peu à nous échapper. Parce que le présent est fort, parce que le présent nous fait trop envisager que l’on a toujours vécu ainsi que l’on croit, et qu’il est de plus en plus difficile d’imaginer que nos prédécesseurs ont connu des existences qui n’avaient qu’un rapport assez ténu avec celles d’aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle il convient non seulement de se retourner sur ce passé afin de découvrir de quoi il était fait, mais aussi de conserver ce qui en a constitué la substance. Ce peuvent tout d’abord être les anciennes maisons, révélatrices mieux peut-être que tout le reste, d’un mode de vie oublié. Ce sera assurément les objets qu’elles contenaient, qu’ils soient de la vie de tous les jours ou de ces dizaines d’industries qui florissaient sur l’ensemble de notre petit territoire. Ce pourra être, et combien sont-ils précieux, des documents divers, correspondances, mémoires, comptes, procès-verbaux, et mieux encore, photos. Car celles-ci ont cela de particulier, que non seulement elles ne trichent pas, mais qu’elles livrent, quand elles nous permettent de plonger dans l’intimité des familles, la manière exacte dont on vivait. Des intérieurs, des habillements, des loisirs. Et pourtant elles ne nous révèlent pas tout, car lesquelles parmi celles-ci pourraient nous autoriser de découvrir de quoi par exemple l’on se nourrissait? Quelle était notre manière de penser? Quel pouvait être notre attitude, non seulement vis-à-vis d’une vie souvent de beaucoup plus courte, mais aussi face à la mort qui vous saisissait souvent à l’improviste dans ce monde-là où la connaissance des fameux microbes était inconnue?
Le Patrimoine d’une région, c’est tout cela, et c’est même plus encore. Ce sont les paysages qui nous entourent, ce sont des trouvailles archéologiques, quoique par ici bien peu nombreuses, ce sont aussi, sitôt après les photos, les films, les enregistrements. Bref, il y a une multitude de choses ou de techniques qui peuvent nous révéler dans le détail ces existences passées.
Le Patrimoine de la Vallée de Joux fut créé en 1980 par une poignée de personnalités conscientes que l’on ne pouvait pas impunément laisser perdre tout ce qui avait constitué notre vie quotidienne d’autrefois, vie ordinaire ou vie industrielle. Et qu’il fallait faire quelque chose afin de sauvegarder un minimum. Elles se donnèrent donc pour but de récolter ce qui pouvait l’être, tant dans le monde des objets que dans celui des documents.
La récolte fut bonne, des personnes généreuses et aussi conscientes de la nécessité de préserver, offrirent des témoignages de haute valeur de ce passé. Mais c’est une certitude, elle n’était pas suffisante et devrait donc se poursuivre.
Toute société a des hauts et des bas. Quelques-unes en arrivent même à mettre la clé sous le paillasson. Le Patrimoine, heureusement, ne fut pas dans cette situation-là. Certes, après avoir possédé une salle dite précisément du patrimoine, après avoir réalisé de brillantes expositions, souvenez-vous, on a parlé du vacherin, des glacières, de l’agriculture, du lac et de la pêche, de la forêt, elle s’est un peu assoupie. C’est que les mordus de la première heure s’étaient fatigués à la tâche, qu’ils avaient levé le pied, comme on dit. On ne saurait leur faire aucun reproche.
Le Patrimoine de la Vallée de Joux, se rappelle donc à votre bon souvenir pour repartir, si faire se peut, d’un nouvel élan en vue de poursuivre le travail fondamental des prédécesseurs. Certes, des expositions telles que vous avez pu en découvrir en ce naguère chargé de promesses, vous ne pourrez pas en revoir de sitôt. Car la question essentielle serait de savoir où les organiser. Mais cela ne constitue pas un handicap majeur. En effet, ce qui compte pour l’heure avant tout, c’est de poursuivre la collecte de tout ce que nous venons d’énumérer.
A cet égard, nous comptons sur votre plus franche et votre plus sincère collaboration. Les générations qui nous suivrons à vous toutes, à vous tous, vous en seront profondément reconnaissantes.
Mais en même temps que nous nous autorisons à procéder à un tel appel, nous avons aussi le plaisir de vous faire découvrir le site tout nouveau qui permettra à notre Association de mieux se faire connaître et de vous permettre de découvrir ses richesses cachées par le biais de photos et d’articles qui donneront à chacune et à chacun de vous l’occasion de se replonger dans cet autrefois, qui n’est pas forcément ce bon vieux temps que l’on évoque souvent, mais qui, dans tous les cas, a forgé cette population à laquelle nous sommes redevables aujourd’hui d’un niveau de vie qu’elle n’a de loin pas connu.
Nous vous remercions de votre confiance, de votre appui, et nous espérons que vous passerez en notre compagnie des heures qui seront plaisantes en même temps qu’enrichissantes.
Le président actuel:
Rémy Rochat.
N-B: la prochaine assemblée générale aura lieu en janvier 2019. Elle sera naturellement signalée par la FAVJ.
Le nom du site du Patrimoine est: www.patrimoinevalleedejoux.ch