Il est grand temps de parler de Maurice Pittet.
Au début de l’année passée 2024, en ce qui fut une grande aventure, autant à Ballens qu’à St-Prex où se trouvaient les stocks de ces peintures, le Patrimoine de la Vallée de Joux prenait en charge la collection de Maurice Pittet. Celle-ci était composée de plus de 250 œuvres et de nombreux bois. Cette formidable matière nécessita l’usage de deux véhicules de belle contenance, le tout ramené à La Vallée d’où il était parti quelque 20 ans plus tôt des Charbonnières, suite au décès du maître.

Cette magnifique collection que prenait en charge le Patrimoine, avec toute la responsabilité qu’on peut lui attacher, et tout le travail de revitalisation qu’elle demanderait, était donnée à notre association par les héritières du galeriste Edouard Roch de Ballens. Celles-ci tenaient à s’en séparer pour différentes raisons, la place étant l’une des premières.
Maurice Pittet, peintre, est né à Lausanne le 29 octobre 1937. Au sortir de l’école officielle, il s’inscrit à l’Ecole cantonale de dessin et d’arts appliqués de la capitale. Il y restera de 1953 à 1956. Il y sera l’élève privilégié de Casimir Reymond. Suite à cette formation de base, il suivra des cours à Paris. Sa trace se perd un peu dans une errance que l’on ignore pour le retrouver à Romainmôtier en 1971. Il travaille alors comme graveur sur bois. En ce lieu mythique et d’ambiance moyenâgeuse où l’art un temps fut roi, il est en présence d’autres artistes, sur céramique, sur cuir et tissu. Maurice Pittet abandonnera ensuite les bois pour se consacrer exclusivement à la peinture.
En ce domaine il lui faudra une longue période d’essais et de techniques diverses avant de trouver enfin le style et les couleurs qui le feront connaître, le noir et le rouge, qu’il travaillera bientôt au dilutif, cela sans égard pour sa santé.
Pittet avait participé à de nombreuses expositions, tant collectives qu’individuelles. On le verra ainsi pour une expo (bois) à Romainmôtier en 1969, à Cracovie en 1978, à l’Elysée en 1985, au Château Villa à Sierre en 1987, à la Galerie Coccara à Paris en 1988, au Casino de Montbenon en 1989, à Neuchâtel en 1991. Puis encore à Ballens, en 1995, au Lieu en 1996, lors du 600e de la commune, et enfin à l’Essor en 1998, reconnaissance tardive pour un talent exceptionnel, puisque Maurice Pittet devait décéder en 1999, à Croy, quelques mois seulement après cette dernière exposition.
Notons que Maurice Pittet était suivi par les meilleurs critiques de l’époque, Gilbert Salem, Bertil Galland, Christophe Gallaz. Ceux-ci ont toujours offert une vision positive et attachante de l’œuvre de Maurice Pittet dans nos quotidiens, tout en reconnaissant son extrême originalité.
La vie de Pittet fut une grande aventure artistique, pourtant hérissée de multiples difficultés. La preuve en est donnée comme une grande et dernière scène d’une longue tragédie, par l’entrée en faillite de l’artiste sitôt celui-ci décédé. Ses œuvres, entreposées aux Charbonnières, furent rachetées par le galeriste Edouard Roch, celles-là même qui entrent aujourd’hui dans les collections du Patrimoine.
Il y a lieu de préciser ici que pendant de nombreuses années, Maurice Pittet qui signait sur le tard Pittet K, s’était enquis de ses origines assez mystérieuses. Ainsi pourrait-il avoir été, avec des probabilités tout à fait raisonnables, le dernier descendant de la famille Krupp d’Allemagne, celle-là même qui produisait tant et tant de canons pour massacrer l’humanité. Les recherches, surtout menées par sa compagne de l’époque, furent longues, mais très sérieuses. Il y a donc une vraie possibilité que Maurice Pittet ait vraiment été le dernier représentant de la famille. La comparaison par ailleurs de son portrait avec celui du magnat Krupp est saisissante. Mais laissons cet aspect mystérieux et fascinant du personnage pour revenir à son œuvre.
Aucun paysage, bien que Pittet ait vécu plusieurs années, tant au Séchey qu’aux Charbonnières et qu’il avait une nature de choix à proximité. L’homme et la femme seulement. Aucun sourire, jamais. On est là dans la destinée tragique de l’homme qui sait que sa vie sur terre ne sera qu’un épisode somme toute banal. Du noir et du rouge, parfois, exceptionnellement, une touche de bleu. Aucune autre couleur. Jamais. Le noir pour la mort, le rouge pour le sang et la vie, le bleu pour une lueur d’espoir. On oscille entre ces trois couleurs témoignant à elles seules de notre pauvre humanité que Pittet met à jour dans toute la rage dont il dispose. Demander à l’homme s’il était heureux, ç’aurait été comme le surprendre voire l’injurier. Il n’y a pas de bonheur quand l’on veut par son œuvre aller non seulement au fond des choses, mais au bout des choses.
Maurice Pittet, à l’avoir fréquenté par ses peintures qu’il a bien fallu charrier, trier, déplacer, photographier, pourrait avoir été comme un ami de longue date. Et même qu’il ne l’aurait jamais su et que nous ne l’avons jamais abordé de son vivant.
Nous vous proposerons de lui une formidable exposition rétrospective en février 2026. Préparez-vous donc à attacher vos ceintures ! Car Pittet, en ses grandes œuvres, vous arrache littéralement de votre quotidien par sa violence inégalée.
Patrimoine Vallée de Joux
Comité Patrimoine Vallée de Joux
Appel : vous êtes jeune, dynamique, plein d’idées, vous aimez l’art et l’histoire, vous souhaiteriez participer à la création de la Maison du Patrimoine, alors rejoignez-nous. Votre présence sera la bienvenue.
Vous pouvez nous contacter sur : remy_rochat@hotmail.com

