Albert Schweitzer nous laisse de nombreux ouvrages qui sont encore d’une pertinente actualité, dans des domaines aussi divers que la théologie, la philosophie, la médecine et bien sûr la musique. En cette année anniversaire, il convenait de rendre hommage au célèbre Docteur qui fut l’un des premiers à établir un rapport absolu entre les mots et les notes dans l’œuvre de Bach.
Au programme de cet enregistrement :
La Fantaisie et Fugue en sol mineur BWV 542
Les Chorals :
– Herzlich tut mich verlangen BWV 727
– Erbarm dich mein, o Herre Gott BWV 721
– Vom Himmel hoch, da komm ich her BWV 738
– Meine Seele erhebt den Herren BWV 733
– Nun freut euch, lieben Christen g’mein BWV 734
– Wir glauben all an einen Gott BWV 740
La Pastorale en fa majeur BWV 590
Le Prélude et Fugue en do majeur BWV 547
Albert Schweitzer a joué un rôle déterminant dans la mise en lumière des « constantes expressives » contenues dans la musique de J. S. Bach, établissant une corrélation absolue entre les mots et les notes, notamment dans le répertoire des chorals. J’ai souhaité, à l’instar de certains collègues, prolonger cette recherche au niveau des pièces libres (pièces n’étant donc pas associées à un texte). En effet, lorsqu’on prend conscience que bien des préludes et fugues étaient destinés à encadrer le culte luthérien, on imagine sans peine le Cantor commenter en musique les différentes fêtes et temps liturgiques.
Notes sur les lieux et l’instrument
Ancienne ville impériale, surnommée la « Rome du Nord », la ville de Goslar (Basse-Saxe) a connu un passé prestigieux, comme en témoignent ses nombreux bâtiments historiques. Au Grauhof, à quelques kilomètres de l’agglomération, fut édifiée une collégiale d’architecture baroque, en parfaite adéquation avec le prestigieux orgue qu’elle abrite. Christoph Treutmann est l’artisan de cet instrument dont les travaux débutent en 1734. L’ensemble de cet ouvrage, conservé en grande partie dans son état d’origine, est contenu dans un seul et monumental buffet. Servis par une acoustique remarquable, ses 42 jeux répartis sur trois claviers et pédalier répondent particulièrement bien aux exigences que Bach formulait en matière de facture d’orgues ; (il n’est du reste pas impossible que ce dernier ait joué sur cet instrument…) Une proportion plus importante de jeux de fonds que dans l‘orgue nordique, la présence de gambes, une anche de 16’ au manuel, complétée d’un contre-basson de 32’ à la pédale me semblent correspondre à la belle « gravität » que Bach projetait lors de la restauration de l’orgue de Mühlhausen, et de manière plus générale à l’esthétique des instruments qu’il connut en Thuringe.
Pour un organiste, c’est une chance ainsi qu’un privilège unique que d’accéder à un instrument historique ! C’est alors que la musique y atteint une dimension jusqu’ici inconnue, à condition de respecter certains paramètres que nous dicte un tel témoin du passé.
D. Meylan