La musique est régulièrement présente dans les activités de Connaissance 3 – Vallée de Joux. La conférence du 10 février n’a pas manqué à cette tradition. À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance d’Albert Schweitzer, l’organiste et chef de chœur Daniel Meylan nous a présenté la vision originale que le célèbre Alsacien avait développée du langage musical de Jean-Sébastien Bach. Cette vision continue de nourrir le travail de musicien de Daniel Meylan, comme il nous l’a montré dans un exposé très vivant, illustré d’exemples musicaux tirés de ses enregistrement récents sur l’orgue baroque de Goslar, en Basse-Saxe.
Le grand public connaît surtout le médecin Schweitzer et son œuvre à l’hôpital de Lambaréné, au Gabon. Or la musique a joué un rôle absolument essentiel au cours de sa vie, de l’enfance jusqu’aux dernières années. Des études d’orgue approfondies, une activité de concertiste durant des décennies, un travail de réflexion et d’écriture sur Bach reconnu par de grands musiciens : l’engagement musical d’Albert Schweitzer était tout le contraire d’un délassement d’amateur. Son livre Jean-Sébastien Bach, le musicien poète (1re édition en 1905) a renouvelé en profondeur notre compréhension de l’œuvre de Bach. Au tournant du 20e siècle, la musique de Bach était souvent considérée comme pure et abstraite. Or Schweitzer a révélé au milieu musical de son temps à quel point la musique du Cantor de Leipzig était intensément expressive et déployait une vaste palette d’émotions. Cette dimension expressive repose sur tout un répertoire de formes symboliques. Il y a d’abord l’importance des textes, auxquels le musicien-théologien Schweitzer était particulièrement attentif. Cette dimension figurative éclaire non seulement les œuvres vocales directement rattachées à des textes littéraires sacrés ou profanes, mais aussi les pièces purement instrumentales. Le symbolisme visuel et mélodique joue un rôle essentiel dans les pièces de Bach et Daniel Meylan nous l’a montré de façon imagée et fort claire. Il convient de mentionner aussi le contrepoint, dont Bach était le maître absolu, ainsi que les couleurs instrumentales liées aux instruments anciens ainsi qu’aux subtilités du tempérament inégal des instruments à clavier. Schweitzer fut un précurseur de l’intérêt pour les instruments anciens, à commencer par les orgues historiques. L’activité de Daniel Meylan comme consultant lors de la restauration d’orgues anciens se situe dans le prolongement de ce souci de vérité de la facture et des sonorités.
La présentation de Daniel Meylan le montre bien, le regard d’Albert Schweitzer sur Bach n’était pas celle d’un musicologue académique. Au delà de son érudition, c’est bel et bien un musicien praticien qui s’adresse à des collègues et qui continue de les inspirer. Ses réflexions sur le phrasé, la clarté des lignes musicales, l’équilibre des voix dans les œuvres chorales et instrumentales, tout cela anticipe d’un bon demi-siècle les révolutions qui nous ont fait redécouvrir la musique ancienne dans ses couleurs d’origine.
A l’occasion du Jubilé d’Albert Schweitzer, Daniel Meylan dirigera un concert – récitation de J. S. Bach à l’abbatiale de Romainmôtier le 31 août prochain à 17h.
Connaissance 3