Comprendre le paysage jurassien et celui de la Vallée de Joux, cela passe par la compréhension du karst. Il s’agit d’une structure géologique qui résulte de la dissolution de certaines roches – principalement calcaires – par l’eau de pluie infiltrée dans le sous-sol. Ce type d’érosion façonne des paysages caractéristiques, à la fois en surface mais aussi en profondeur. En effet, les roches des massifs karstiques sont érodées de l’intérieur et ainsi naissent des cavités et des passages souterrains par où l’eau s’écoule en suivant des trajets souvent mal connus. Notre conférencière du 13 janvier passé, Madame Amandine Perret, a étudié la géographie et les sciences de la Terre, domaine dans laquelle elle a obtenu un doctorat. Collaboratrice de l’Institut suisse de spéléologie et de karstologie basé à La Chaux-de-Fonds, elle est spécialisée dans la médiation auprès du public des sciences de la Terre. Ses travaux portent tout particulièrement sur les reliefs karstiques et inclut l’exploration de ceux-ci par la spéléologie.
Son exposé remarquablement didactique a commencé par l’histoire de l’eau, qui est l’agent essentiel des phénomènes karstiques. Contemporaine de la formation de notre planète, l’eau est la signature de notre «planète bleue», puisque celle-ci est recouverte à plus de deux tiers d’eau. De plus, la molécule H2O a des propriétés uniques. Elles expliquent entre autres que l’eau liquide existe sur terre, mais aussi sa capacité de dissoudre les roches calcaires, lorsqu’elle se charge de gaz carbonique au contact des matières organiques du sol. C’est ce processus d’érosion chimique qui façonne les paysages karstiques, dont l’un des traits distinctifs est la discrétion, voire l’absence de cours d’eau visibles. C’est que l’eau s’infiltre dans le sous-sol par de nombreux interstices et forme souvent des rivières souterraines au parcours inattendu. Amandine Perret nous décrit le cas de l’Orbe, qui disparaît des lacs de la Vallée de Joux pour ressurgir aux Grottes de Vallorbe.
Le paysage karstique, à la fois en surface et sous terre, représente une ressource précieuse à tous points de vue. C’est une valeur culturelle par sa spécificité régionale, les beautés qu’il recèle et par son intérêt archéologique et paléontologique. C’est une réserve de biodiversité importante car elle abrite nombre d’espèces animales, végétales et microbiennes remarquables, et c’est enfin une réserve essentielle de cette ressource si précieuse: l’eau. Cela peut paraître paradoxal dans un pays qui ne manque pas de lacs ni de rivières. Pourtant 80% de notre eau potable provient des eaux souterraines. Or les régions karstiques comptent pour un cinquième de la surface de notre pays. L’eau contenue dans les reliefs karstiques est en principe d’une excellente qualité mais elle est vulnérable à des pollutions diverses: décharges et épandages sauvages, comblement de dolines qui fragilise le sol et ouvre la porte aux polluants, usage de grottes comme poubelles… Protéger ces territoires fragiles est une responsabilité des professionnels directement concernés mais aussi de tout un chacun. Cela passe par l’éducation et la prise de conscience des enjeux et l’exposé de Madame Perret, qui a fait salle comble, est une belle contribution à cette démarche.
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