À sa carrure de débardeur, à son vêtement de sécurité d’un orange pétant, on le repère de loin, casqué, lourdement harnaché, au guidon de sa débroussailleuse, sous un soleil de plomb, ou bien encore, lorsqu’il tond l’herbe de la rive, attentif à épargner des îlots de fleurs naturelles, pour le seul plaisir des yeux. À la saison des frimas, on le voit saler routes et chemins, y répandre du gravillon, dans le souci de prévenir quelque chute dommageable.
– C’est notre ami Hervé Maillard, notre diligent employé de commune, dur à la tâche, toujours franc et cordial, préposé qu’il est à l’entretien du village du Pont !
Outre sa tâche, dont il s’acquitte avec zèle, Hervé n’a de cesse de parfaire notre cadre de vie, recherchant tel ou tel aménagement supplémentaire, dont l’usage nous soit tout à la fois commode et agréable.
Les hautes eaux avaient-elles affouillé l’assise des dalles disposées en contrebas du quai ? Avaient-elles rejeté celles-ci dans le désordre ? Hervé procédait avec soin à la réfection du lit de gravier sous-jacent, replaçait exactement les dalles dérangées, leur redonnait une stabilité parfaite, offrant de la sorte au promeneur un cheminement sûr et amène.
Le lac était-il à son niveau d’étiage annuel ? Aidé du plus jeune de ses fils, (déjà un sacré gaillard !), Hervé profitait de l’occasion pour débarrasser les hauts-fonds de galets fraîchement découverts des grosses pierres anguleuses qui, à la belle saison, eussent blessé le pied du baigneur inaverti.
Des précipitations abondantes avaient-elles rendu boueuse et peu praticable l’aire de la déchetterie du Pont ? Hervé installait devant les conteneurs des caillebotis métalliques ad hoc, puis, le beau temps revenu, comblait les nids de poule laissés par les intempéries, et damait un sol de tout-venant. Des usagers désinvoltes étaient-ils passés par là ? Hervé redonnait belle façon à notre déchetterie qu’avaient enlaidie des dépôts sauvages.
Les canicules menaçaient-elles de déshydratation les personnes âgées ? Avec sollicitude et simplicité, Hervé s’enquérait de leur état, leur rappelant les
recommandations d’usage en pareil cas, et les rassurant d’un mot gentil.
Il n’est pas étonnant que l’authenticité d’Hervé lui vaille la sympathie et la confiance d’autrui, à commencer par les tout-petits, qui, incapables de calcul, trouvent naturellement en lui la protection dont ils ont besoin. Avec les stagiaires en herbe qui lui sont confiés périodiquement, Hervé montre aussi de solides dispositions pour la formation de la jeunesse, sachant allier sens de la communication et sens pratique. Hors sa profession, Hervé n’anime-t-il pas des camps de jeunesse en pleine nature, qui laisseront de précieux souvenirs ?
Peut-être Hervé ne dispose-t-il que d’une culture médiocre ; peut-être ne peut-il s’enorgueillir de titres universitaires prestigieux… Mais foin de ces vanités ! L’essentiel est ailleurs, que Winston Churchill a su dire en une formule lapidaire : « We make a living by what we get, but we make a life by what we give. » (Nous gagnons notre vie grâce à ce que nous obtenons, mais nous bâtissons notre vie grâce à ce que nous donnons.) Notre ami Hervé en est la vivante illustration.
François Mastrangelo