On fusionne des communes mais pas des villages, respectivement des fractions de communes, ce qui clairement veut dire qu’elles ne sont pas concernées. Cette situation de départ, simple à première vue, pose un véritable problème. Comment faire pour définir un taux d’imposition unique pour l’ensemble des contribuables de la future commune sachant que 4 fractions perçoivent un impôt et pourront toujours le faire après la fusion, la Loi sur les Impôts Communaux leur en donnant le droit. De non concernées voici que celles-ci, bien malgré elles, se retrouvent au cœur du point psychologiquement le plus sensible de la convention car il touche au porte-
monnaie des gens. Il a donc fallu trouver un accord, objet du contenu de l’article 21 de la convention. Pour proposer un taux d’imposition unique de 66.5 pour tous les contribuables de la nouvelle commune, le financement des tâches publiques effectuées par les fractions et les sociétés d’intérêt public sera assumé par la nouvelle commune. En plus il leur sera alloué chaque année, un montant complémentaire équivalent à un point d’impôt de chacune d’entre elles. Ce montant sera utilisé de manière libre. Le coût global pour toutes les entités concernées a été estimé à quelque 2’150’000 frs, considéré comme
peanuts au vu d’un futur budget de plus de 50’000’000 frs, dixit M. Fusion.
De prime abord c’est magnifique, les fractions sont sauvées. Que veulent-elles de plus et de quoi se plaignent-elles? En y regardant de plus près et en analysant les effets que produira cette générosité bienveillante, on constate qu’elle cache probablement un tout autre dessein. Selon la convention, en contrepartie du paiement de leurs charges publiques, il est souhaité que les fractions renoncent à percevoir un impôt auprès de leurs contribuables. Rien de choquant. C’est logique que l’on ne perçoive pas deux fois un impôt pour financer la même chose. Il faudra encore que cette renonciation soit acceptée par les divers Conseils généraux concernés. Rien ne les y obligent mais on les y incite très fortement par la présence d’une phrase bien précise que M. Fusion s’est bien gardée de dire durant ses différentes présentations, se contentant de dire qu’il y aura deux modes de financement possibles, avec ou sans convention: «les montants versés dépendront des besoins des fractions et du fait de savoir si elles continuent à prélever des impôts auprès de leurs populations». Paradoxalement on dit que l’impôt doit payer les charges publiques et de l’autre on alloue des montants d’argent public qui serviront peut-être à financer des affaires privées des fractions. Cherchez l’erreur! Ladite phrase révèle un certain manque de confiance à l’endroit des autorités des villages puisqu’elle constitue un véritable garde-fou qui n’a pas sa raison d’être. De plus, comme on nous l’a dit, les impôts sont un problème interne aux fractions. En cas de fusion, le seul choix que les divers Conseils généraux auront à faire et celui du type de financement qu’ils veulent pour leur fraction.
La convention établit de fait un assujettissement financier de celles-ci par rapport à la nouvelle commune qui aura le dernier mot en la matière. Comme on dit: «qui tient les cordons de la bourse a le pouvoir». Les crédits qui leur seront alloués se feront après l’étude de leurs budgets. Leurs préavis pour la réalisation de travaux relevant du domaine public devront, après avoir passé l’écueil du Conseil général, être soumis à la commune qui les étudiera et se prononcera sur l’octroi ou non des crédits demandés. M. Fusion dit que jamais la commune ne refusera une demande d’une fraction mais si cela venait à être le cas, on peut facilement imaginer quelle serait la réaction des autorités de la fraction concernée. Si les finances communales venaient à être moins bonnes qu’espérées, ce risque serait d’autant plus élevé. Pour les membres d’une autorité villageoise, non seulement la déception serait grande, le sentiment d’être devenus inutiles se renforcerait. Des démissions pourraient intervenir conduisant à terme à une autodissolution de la fraction par manque de «combattants». C’est d’ailleurs cette dernière raison qui avait amené les fractions du Lieu et des Charbonnières à se «saborder» même si on ne parlait pas de fusion à l’époque. Le second risque serait que le Conseil d’Etat lui-même, s’il estime que l’existence d’une fraction ne se justifie plus, en propose la dissolution en vertu des dispositions de la Loi sur les Communes. Cela aussi n’a jamais été dit lors des différentes présentations, toutefois, le site dédié à la fusion le mentionne.
En résumé, les fractions ne seront plus que des intermédiaires financiers ce qui est d’ailleurs écrit dans le flyer des pro-fusion: «les villages assumeront toujours la responsabilité de la mise en œuvre des tâches publiques financées par la Commune». Comme dit auparavant: qui paie commande. Nous affirmer que leur rôle se verrait renforcé avec un si faible pouvoir décisionnel, on peut raisonnablement en douter. Il est bon de préciser qu’à elles seules, les 3 fractions de la commune du Chenit et la Société d’Intérêt Public du Solliat versent annuellement quelque 240’000 frs en dons et soutiens financiers à de multiples sociétés sportives ou culturelles de la région. En cas de disparition, non seulement le nombre de «sponsors» potentiels se réduirait mais il est peu probable que la future commune poursuive à verser l’argent qu’elles attribuaient.
Le financement des tâches publiques est pris en considération dans le calcul du taux de 66.5 figurant dans l’arrêté d’imposition (art. 20 de la Convention). On peut raisonnablement se poser des questions quant à la manière dont il a été calculé. En effet, après analyse, il est étonnant de constater qu’un des éléments pris en compte dans son évaluation se trouve également présent dans la liste des divers impôts à percevoir, ce qui représente un doublon. Il s’agit de l’impôt complémentaire sur les immeubles appartenant aux sociétés et fondations qui, soit dit en passant, doublera pour les assujettis habitant la Commune de L’Abbaye et sera nouveau pour ceux de la Commune du Lieu.
Pour les 3 communes
Raymond Lavanchy