Comme vous le savez, je suis un homme de chiffres pourvu d’un franc parlé. Aussi, je tiens à enfoncer le clou sur un ou deux aspects avant de vous donner quelques arguments. Lors d’une élection au Conseil communal au scrutin proportionnel, les candidats figurent sur des listes. Ces listes regroupent des candidats d’un même parti politique, de différents partis, ou qui n’ont pas d’appartenance politique et partagent les mêmes valeurs. Il n’y a donc aucune nécessité à s’affilier à un parti, c’est travestir la vérité que de dire le contraire. Méthode largement utilisée dans cette campagne malheureusement. De plus, l’autonomie des villages est garantie par la loi sur les communes (LOI 175.11 sur les communes du 28 février 1956 article 129 et suivants), c’est bien sous l’angle de la commune qu’il convient de décider, car ce sont les communes que nous fusionnons, pas les villages.
Lors des dernières élections, ce ne sont pas moins de 19 municipaux, 140 conseillers communaux et 33 conseillers exécutifs, sans compter les conseillers villageois et suppléants pour une région de 7’137 habitants à l’heure d’écrire ces lignes qui étaient élus pour le sous-arrondissement de La Vallée (Pour info, cela représente plus d’élus que les deux chambres fédérales réunies. En comparaison, la ville de Lausanne compte 7 municipaux et 100 conseillers communaux pour 144’365 habitants). Pour celles et ceux d’entre vous qui n’ont jamais été président(e) d’un Conseil communal, cela consiste à prendre son bâton de pèlerin et à faire de nombreuses soirées de porte-à-porte pour remplir les listes électorales et souvent sans obtenir le nombre de suppléant(e)s suffisant(e)s. Qui plus est, en 2021, un village n’avait que 2 candidats sur 5 au premier tour et plus de 200 suffrages ne contenaient que les votes fédéraux, mais pas communaux. Depuis, alors que nous ne sommes qu’à la moitié de la législature, pas moins de 1 syndic, 3 municipaux et 34 conseillers communaux ont déjà quitté leurs fonctions. (134 pour le Jura Nord-Vaudois) et nous pouvons déjà doubler ces chiffres d’ici à la fin de la législature, soit la moitié des conseillers communaux ne seront plus les mêmes à la fin de la législature. Le système actuel arrive à bout de souffle, le bénévolat et l’engagement de milice ne font plus vraiment partie des priorités depuis le Covid sans compter le côté vieillissant des personnes actuellement en place et les exigences cantonales et fédérales grandissantes. Au moment de déposer votre bulletin, posez-vous la question du temps que vous êtes prêt à consacrer à la chose publique. Vouloir régler la situation actuelle avec le système d’hier, c’est se créer les problèmes de demain. Le salut des villages passera par la relève et non leurs finances.
Economiquement parlant, il y a un déséquilibre sur les personnes morales principalement, ceci est lié à des questions géographiques et réglementaires dépendant de la LAT (Loi sur l’aménagement du territoire). N’espérez pas rétablir ce déséquilibre avec le nouveau PDRZA (Plan directeur régional des zones d’activités), car ce dernier ne voulait au départ qu’un seul site répondant aux besoins de toute la région, même si nous avons obtenu après de longues négociations avec les services cantonaux un léger morcellement, la part du lion reste sur la commune du Chenit. Malheureusement, il y a des effets de bords sur les besoins structurels (Eaux, routes, mobilité, énergie, écoles, STEP, etc.) qui impactent les finances de l’ensemble des communes combières. Cette répartition ne peut se faire que par une fusion, vous imaginez bien que si vous êtes voisin avec le patron d’UBS et ses 14,4 millions de revenus en 2023, vous ne pouvez pas en revendiquer une partie sous prétexte qu’il gagne plus que vous. Qui plus est, le système de solidarité existe déjà au niveau de la NPIV (Nouvelle péréquation intercommunale vaudoise), mais là encore, nous n’aurons rien selon les projections en restant séparé. Nous sommes même perdants. En revanche, plus de 800’000 frs annuels reviendraient à la commune unique.
Je suis heureux d’entendre de la bouche des opposants que les associations et ententes intercommunales qui sont déjà sous l’égide ’’Vallée de Joux’’ fonctionnent bien. La fusion ne va pas remettre en cause le fonctionnement de ces entités, mais le mode de gouvernance. Qui plus est, les décisions financières de ces entités impactent également les finances communales et les municipalités n’ont plus vraiment leur mot à dire. Avec une commune unique, l’exécutif reprend les rênes en enlevant une couche dirigeante intermédiaire libérant qui plus est des gens qui pourraient s’investir dans d’autres sociétés régionales et les dépenses nécessaires aux entités peuvent être priorisées selon une situation financière maîtrisée et réaliste.
La question des impôts est un cheval de bataille des opposants et là encore je suis d’accord avec eux, les impôts vont augmenter ou alors nous gelons les investissements à venir en attendant d’avoir assez économisé. Néanmoins, certains investissements sont imposés par la loi et ne peuvent attendre. Le recours à l’augmentation d’impôt est inévitable pour L’Abbaye avec ou sans fusion (la commune boucle les deux derniers exercices comptables avec -2 points d’impôts prélevés dans le fonds de réserve). Et cette situation ne fait pas encore totalement état d’une grande entreprise qui vient de nous quitter et dont les conséquences financières ne se font pas encore totalement sentir. Reste donc à savoir, si nous voulons ajouter 6 points d’impôts (prévisions valables uniquement pour la commune de L’Abbaye en cas de non-fusion tirées du tableau d’investissements) à
66.5 ou à 76 (79 pour Les Bioux, soit 85 au total. La plus haute à ce jour est la commune de La Praz avec
83 points). L’impact sera très faible si l’effort se répartit sur l’ensemble de La Vallée et principalement sur les personnes morales.
Pour toutes ces raisons et biens d’autres, il m’apparaît plus que judicieux de fusionner. Ensemble, préparons l’avenir de notre jeunesse !
Christophe Bifrare
Syndic de L’Abbaye