Le couple Angelina et Carmelo D’Alessandro est sur le point de quitter les Esserts de Rive, d’ici 10 jours. Abandonner ce domicile avec vue sur le lac est déjà ressenti comme un déchirement, presque douloureux; un peu moins pour Madame qui a traîné un mal du pays et attendait toujours de meilleures températures pour profiter du jardin… et surtout conserver la proximité avec ses filles et leurs familles.
Ce départ mérite un clin d’œil dans le journal pour ces Italiens qui ont fait carrière chez nous. Carmelo est arrivé en 1962, à 18 ans, après de fortes recommandations de son père Antonio qui tenait boutique à l’enseigne «Negozio Orologi Ventita e Riparazione » à Vallemaio, province de Frosinone. Ce dernier offrait aussi ses services à l’aiguisage de tout outillage, davantage demandé dans un bourg de montagne que les montres de poche à cette époque.
Le parcours de Carmelo relève de l’exemplaire, d’une carrière horlogère méritoire. Après des difficultés d’intégration dans des ateliers à Bévilard et Tavannes à cause de la xénophobie des années 70, il trouve de nouvelles perspectives en matière d’horlogerie chez Dubois Dépraz au Lieu en 1969; au montage et réglage des calibres 11 et 12 Microrotor.
Après quoi, la Grande Maison de la Golisse l’engagera pour une courte période de 2 ans dans ses ateliers, au taillage des roues d’échappement.
Ensuite passage à la Valjoux, qui deviendra ETA, pour un an qui le fera entrer dans la production de composants et des incontournables calibres 22 et 23 et le 726 : roue à colonnes.
Enfin la Lémania, qui de Nouvelle, devient Montres Breguet. C’est là que la passion pour la restauration devient virale avec des pièces d’exception, dont la célèbre pendulette en argent/mouvement 8 jours, limitée à 300 ex.; même mécanisme que pour l’aviation: montre chrono/compteur minutes au centre, roue à colonnes, 8 jours Lémania. Une carrière complète donc, avec une curiosité professionnelle remarquée, qu’il aime évoquer devant ses interlocuteurs occasionnels et non horlogers. Madame a aussi fait sa part dans trois de ces entreprises, au montage et préparage des fournitures pendant plusieurs années.
M. D’Alessandro a également tenu un commerce d’horlogerie ancienne et restauration au Sentier pendant une courte période, et a poursuivi la réparation à domicile au début de sa retraite.
Le retour à Vallemaio, pays natal au nord de Naples: c’est là que les attendent la maison patiemment aménagée, les retrouvailles avec quelques voisins et amis d’école (passablement vieillis comme il se doit) des cousins, et un monde qui aura bien changé depuis leur jeunesse.
Il convient de relever que l’augmentation du coût de la vie en Suisse a aussi joué un rôle : les retraités de l’immigration y sont peut-être plus exposés, après quelques années passées à des comparaisons. Evoquer le « partir » ou le « rester » ? Leur décision est prise : un tout bon retour.
Jacky Reymond