Que des amateurs songent à présenter une telle tragédie dramatique était assurément une gageure! Mais on le sait, la compagnie du Clédar a le goût du risque et, sur ce plan-là, n’en est pas avare. Pari risqué, pari une nouvelle fois réussi, le spectacle est absolument MAGNIFIQUE!!!
Cette œuvre théâtrale a pourtant quelques écueils importants à surmonter, à commencer par une double intrigue qui se croise et s’entrecroise, pas vraiment facile à suivre. Ensuite des thèmes propres à une certaine époque et à des lieux spécifiques, c’est un peu vieillissant (la pièce date du tout début du XVIIe siècle), au contraire des comédies de Molière qui traitent essentiellement des défauts et travers de l’espèce humaine, intemporels et immuables. Pour faire oublier un tel contexte, il fallait impérativement une mise en scène (Hélène Cattin) et une scénographie (Jean-Luc Taillefert) particulièrement intelligentes et inventives. Et là, chapeau, belle réussite, et même davantage… Comme spectateur, on en oublie parfois le texte pour ne considérer que l’aspect visuel du spectacle. Vraiment, bravo, du grand art!
La scène d’abord, tout en bois, en gradins montants, presque en miroir de ceux des spectateurs; gradins, demi-gradins, panneaux transparents amovibles avec de multiples combinaisons et usages possibles. Très suggestif, innovant même! Et une mise en scène qui privilégie le rythme, l’inventivité, l’originalité, l’occupation diversifiée et complète de l’espace scénique, le tout avec l’accompagnement d’une multitude de petits trucages sonores et visuels, on en est admiratif! À notre goût, le parti pris et assumé de confier des rôles masculins à des femmes, et vice-versa, n’est pas totalement un bonheur et nous laisse un peu dubitatif, excepté pour le personnage du Roi Lear. Mais le coup de maître, pour ce rôle, est d’avoir osé le dédoublement: cela donne une force incroyable qui, vraiment, tire le spectacle vers le haut. Il faut dire aussi que les deux actrices incarnant le Roi, Mmes Corinne Lamy-Chappuis et Valérie Sanchez, magnifiquement grimées et costumées, habitent le personnage de manière totale, autant par la qualité de la déclamation que par leur jeu corporel, des professionnelles ne feraient pas mieux!
Si toute la troupe des actrices et acteurs est à féliciter dans son ensemble, permettez-nous cependant de mentionner encore Georges-Henri Dépraz dans le rôle du ministre Gloster, Gisela Neumayer dans le rôle du Fou, et Jacques-Henri Dépraz dans celui d’Edgar travesti en un pauvre mendiant nu absolument génial…
Des félicitations également pour les séquences musicales habilement arrangées et assumées parfois en solo par Lionel Desmeules. Un bouquet de fraîcheur dans la tragédie!
Hélène Cattin et la compagnie du Clédar présentent au Casino du Brassus un spectacle théâtral de haut niveau, une réussite superbe!
Un spectateur
Michel Hangartner
Vallorbe