Après 2 années marquées du sceau Covid, 2022 pouvait nous laisser entrevoir un retour progressif à la «normale». Ce rêve fut bref puisque, à fin février, la montée brutale des antagonismes entre la Russie et l’Ukraine déboucha sur l’invasion de l’est de cette dernière par les forces armées soviétiques. Ce conflit a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de victimes et poussé des millions de personnes à fuir les zones de guerre. Cette situation catastrophique met clairement l’Europe sous la menace d’un conflit de plus grande envergure, les belligérants campant aujourd’hui sur des positions irréconciliables, excluant tout espoir de solution négociée à court terme.
Vu le soutien des Etats-Unis et de la plupart des pays occidentaux à l’Ukraine, vu les sanctions économiques et financières prises à l’encontre de la Russie, vu aussi le blocage des ports ukrainiens, les pénuries de matières premières alimentaires et énergétiques se sont vite fait ressentir. Une crise économique mondiale était inévitable, ce d’autant, qu’en Chine, la politique «zéro Covid» continuait à impacter significativement la production (et l’exportation) de composants et autres biens indispensables aux industries du monde entier.
Les prix de la plupart des biens et services ont alors flambé et l’inflation s’est rapidement propagée pour atteindre 3% en Suisse, de 6 à 8% en Europe et jusqu’à … 95% en Argentine ! Une situation qui fit plonger de 10% à 20% pratiquement tous les marchés financiers sur l’ensemble de la planète et qui fait désormais planer un risque élevé de récession en 2023.
Alors que la Banque Nationale Suisse prédisait l’année dernière encore plusieurs années de taux négatifs, ces derniers ont été gommés en quelques mois afin de ralentir l’économie et lutter contre le renchérissement des prix. En 6 mois, le taux directeur de la BNS passait ainsi de – 0,75% à + 1%.
Comment expliquer alors que plusieurs secteurs aient malgré tout enregistré des records en 2022 ? Je pense notamment à l’industrie horlogère, le poumon économique de notre région, qui a vu ses exportations bondir de 11% durant l’exercice. La branche semble «ignorer» le contexte politico-
économique actuel et souffre d’une grosse pénurie de main d’œuvre. Mais ce n’est pas le seul secteur dans ce cas; l’hôtellerie-restauration et la santé, durement touchées par le Covid au cours des deux années précédentes, peinent aussi à trouver des forces vives.
L’année 2022 fut donc très agitée. Mais le Crédit Mutuel de la Vallée n’a pas trop souffert de ces turbulences et l’activité fut soutenue.
Bilan
Malgré l’introduction d’un taux négatif au 2e trimestre, les dépôts de la clientèle (CHF 143,5 mio) ont même très légèrement progressé par rapport à l’année précédente (CHF 142,1 mio). Ce taux, pénalisant les avoirs de la clientèle au-delà d’un certain montant, a toutefois été supprimé quelques mois plus tard, suite à la hausse du taux directeur de la BNS précédemment évoquée.
Pour assurer le développement de nos affaires et optimiser la structure de notre refinancement, nous avons focalisé nos efforts sur la souscription par la clientèle de bons de caisse (+ CHF 3,5 mio) et procédé à des emprunts importants auprès de la Banque des Lettres de gage (+ CHF 9,2 mio). Il en résulte un bond des liquidités
(+ CHF 11,3 mio).
Quant aux prêts hypothécaires, malgré un environnement très concurrentiel, ils ont progressé de CHF 4,4 mio, un chiffre conforme à nos attentes.
Compte tenu du résultat de l’exercice, les fonds propres progressent à CHF 21,6 mio (ex CHF 20,9 mio à fin 2021), soit 9,6% (ex 9,9%) du total du bilan. Ce léger recul en valeur relative s’explique notamment par la très forte progression de la taille du bilan résultant des emprunts. Les fonds propres demeurent toutefois bien adaptés à la situation puisqu’ils se montent à 116% des exigences minimales en la matière.
Compte de résultat
Les taux hypothécaires ont fortement évolué à la hausse au cours des derniers mois de l’année. Compte tenu de la prédominance de prêts à taux fixes, l’effet positif fut limité aux nouvelles affaires et au renouvellement d’affaires existantes sur cette courte période. Cela n’a pas permis de compenser la baisse des revenus résultant des nouvelles affaires ou renouvellement d’affaires à des taux extrêmement bas au cours des premiers mois de l’année. Compte tenu de la hausse des charges d’intérêts résultant des bons de caisse et des emprunts BLDG, le résultat brut des opérations d’intérêts s’est inscrit à CHF 2,7 mio, en très léger recul
(CHF 46’000) par rapport à l’exercice précédent.
Au cours de l’exercice 2022, nous avons pu réduire de CHF 300’000 nos provisions pour risques sur débiteurs, un montant qui nous permet de renforcer nos provisions pour risque de taux, mais aussi nos réserves pour risques bancaires généraux.
Durant l’exercice écoulé, les charges d’exploitation ont progressé de CHF 70’000, en partie imputables à l’informatique.
Ce poste reste toujours difficile à maîtriser, car nous dépendons de partenaires externes et nous n’avons pratiquement aucune emprise sur l’évolution de ces coûts. Nous sommes cependant extrêmement vigilants face à leur évolution et sommes aussi particulièrement satisfaits d’avoir pu prolonger, sur une longue durée, le contrat qui nous lie à notre prestataire actuel. Les coûts annuels récurrents futurs se calculeront désormais sur une base légèrement inférieure à celle de 2022, mais ils seront indexés sur l’indice des prix à la consommation.
Compte tenu de ce qui précède, le bénéfice net de l’année se monte à CHF 506’000 (ex CHF 511’000 en 2021) et il sera proposé à l’assemblée générale un dividende de 16%, identique à celui de l’exercice précédent.
Perspectives
Le conflit russo-ukrainien ne semblant pas s’apaiser, les prix élevés de l’énergie et de certaines matières premières vont perdurer. Pour ce qui concerne les risques énergétiques, ils ne se limitent pas à l’évolution des prix du gaz, du mazout ou de l’électricité. Il y a notamment un risque avéré de pénurie de courant électrique au printemps 2023 suite au conflit en Europe de l’Est, mais aussi à cause du nombre inhabituellement élevé de réacteurs nucléaires français en maintenance. De plus, la conversion lente, mais désormais inéluctable, du parc automobile vers des véhicules plus propres, donc à propulsion électrique, est venue amplifier le déséquilibre.
En résumé, si le conflit russo-ukrainien ne met pas directement aujourd’hui en péril l’activité économique du pays, et celle de notre région plus particulièrement, les dommages de répercussion sont importants. Et de nature à perturber considérablement l’activité économique dans le futur.
Dans un premier temps, compte tenu de la structure de notre bilan, c’est la remontée brutale des taux d’intérêts qui pèsera sur les résultats de notre établissement en 2023. Quant aux pénuries éventuelles d’électricité, leur incidence sur la marche des affaires est difficile à évaluer, mais elle ne paraît pas devoir être trop impactante à première vue.
Pierre Dubois
Président du Conseil d’administration