On découvrira ci-dessous, par la grâce d’un article FAVJ ancien mais fort bien documenté, dans quelles circonstances ce livre a été retrouvé et de quelle manière il a été composé.
Notons d’emblée qu’il figurait aux archives de la commune du Chenit qu’il a réintégrées en 2018 après un passage de près de trois quarts de siècle au Musée du Collège du Chenit. C’est, comme on le verra plus bas, une pièce d’une rareté peu commune et naturellement d’une valeur culturelle et historique inestimable. Dans ce volume, relié plein cuir, se trouvent enfermées toute la foi de nos ancêtres, toute leur passion pour le chant ou la pratique d’instruments, avec en plus cette connaissance parfaite et complexe des pratiques musicales de l’époque. Le prouvera une page explicative de ce volume étonnant.
Un document rare
C’est d’un psautier qu’il s’agit. Mais d’un psautier presque unique dans le canton – on en connaît deux autres, je crois. Ce volume, du format d’une Bible de mariage, a cela d’original qu’il a été écrit entièrement à la main : portées, notes et textes. D’où vient-il ? Des archives communales du Chenit. Un curieux hasard a voulu qu’on remette la main dessus. C’est en effet en recherchant des matières nécessaires à son livre sur : « Les origines du chant choral dans le canton de Vaud », que M. Jacques Burdet, accompagné du soussigné, est tombé en arrêt devant ce volume oublié depuis près d’un siècle. On devine quel fut notre plaisir à feuilleter ce vénérable témoin du passé.
Bien mal en point : couverture rongée de tarets, feuillets déchirés, il fallait lui redonner une tenue convenable. La Municipalité n’a pas hésité une seconde à faire le geste réparateur et, sous la direction de M. Burdet, un relieur spécialiste de Lausanne a procédé à la remise en état du psautier sans le remettre à neuf, c’est-à-dire en lui conservant son aspect de vieille chose, précieuse et respectable. La Municipalité en a confié la garde au Collège scientifique.
Ce gros volume contient 150 psaumes à trois voix, écrites séparément, chaque psaume occupe deux pages, 10 cantiques à deux voix sur le chant des psaumes et au début du livre une théorie musicale assez compliquée où est expliqué l’emploi de neuf clefs différentes : cinq clefs d’ut, une sur chaque ligne, la clef de fa et celle de ré. Ces clefs ne sont pas utilisées toutes dans le cours du psautier mais données à titre d’indication pour les amateurs. On y trouve aussi un cantique sur un texte du copiste, où la première syllabe de chaque vers est la même que la note à chanter, exemple : réveillez-vous ! commence par ré et ainsi de suite. Cela rappelle l’hymne à St. Jean dont se servait Guy d’Arezzo et qui donne au début des vers le nom des notes de notre gamme ; le voici à titre documentaire :
Ut queant laxis Solve polluti
Resonare fibris Labii reatum
Mira gestorum Sancte Iohannès !
Famuli tuorum
Le psautier porte en tête ces mots : « Copié pour ceux qui chantent avec les trompettes par David Meylan, trompette du Chenit en 1737 et 1738. Puis plus loin : « Revu et corrigé. Dieu fasse la grâce à ceux qui s’en serviront à chanter avec honneur, respect et attention. »
Ce Meylan est l’un des quatre frères Meylan, tous trompettes d’église ; ces Meylan ont donné le surnom de « chez Trompette » à toute une famille dont de nombreux descendants vivent encore parmi nous.
Les notes ont la forme d’un losange comme dans les vieux psautiers imprimés et, au bout de chaque portée, un petit signe indique la place de la première note de la portée suivante. Les textes sont calligraphiés avec un soin religieux.
Si nous signalons aujourd’hui l’existence de ce document, c’est qu’il figurera à l’exposition des travaux du Collège et à l’ouverture du Musée du 20 courant. Les musicographes ou autres amateurs des choses du passé pourront donc le consulter ce jour-là et ils ne le feront pas sans émotion.
Honneur à la mémoire de nos anciens qui ne regardaient pas à consacrer des années d’un travail ardu et désintéressé au service de la gloire de Dieu et au développement de l’art musical dans notre Vallée !
Esprit qui les fit vivre
Anime leurs enfants
Pour qu’ils sachent les suivre. 1
M.G.
FAVJ du 16 avril 1947
Le tout mis en forme par le Patrimoine de la Vallée de Joux.
1 Refrain de la « Cévenole »