Je ne suis pas infirmière et j’ai la chance d’être en bonne santé, et donc de n’être que très peu confrontée au milieu des soins. J’ai aussi la chance de pouvoir aller travailler sans la boule au ventre, de pouvoir terminer ma journée à l’heure, de ne pas travailler la nuit et de rentrer chez moi avec le sourire, parfois quelques soucis comme tout le monde, mais sans me dire que, faute de temps, la toilette d’une personne a été bâclée. Quand je repense à ma journée, je n’ai pas le souvenir d’avoir versé des larmes entre deux salles d’opération. Je n’ai pas dû écourter la discussion avec un patient qui me parle de sa chimio car mon temps est compté et que je dois aller m’occuper d’un-e autre patient-e.
J’ai la chance de ne pas vivre tout ça, parce que justement, je ne suis pas infirmière. Mais j’ai discuté avec assez d’entre elles et eux pour connaître la réalité et le poids qui pèse sur leurs épaules. Un poids qu’ils acceptent avec résilience et patience, mais ces qualités arrivent à leurs limites. Preuve en est que 40% d’entre eux quittent la profession prématurément, un tiers ayant moins de 35 ans. Et parallèlement à cela, les besoins en soins vont augmenter. Alors, que faire? Les applaudir, chaque soir au balcon? Investir dans la formation? Soutenir moralement mes amis au bord du burn out? Oui, mais pas que. Pour pouvoir continuer à exercer, et donc à nous soigner, les soignant-e-s ont besoin d’un vrai soutien, moral ET politique.
A un moment ou un autre, on sera tous confronté à l’hôpital. Je sais que le jour où ce sera mon tour, je tomberai sur une infirmière qui s’inquiétera sincèrement pour moi et qui s’épuisera à me soigner, parce que c’est ce qu’elles font déjà et c’est ce qu’elles sont au plus profond d’elles-mêmes: des soignantes, empathiques et attentives. Mais j’espère qu’elle aura le temps de s’occuper de moi consciencieusement, en pensant à moi, à mes contre-indications, à mon dossier. Et qu’elle ne sera pas déjà en train de penser au prochain patient, puis à celui d’après encore. Parce que c’est ça, la situation actuelle. Elles n’ont pas le temps de faire un pansement qu’elles doivent déjà réfléchir au médicament de la patiente dans la chambre d’à côté.
C’est ce que me raconte un de mes plus proches amis, chaque fois que je le vois, tellement cette situation est difficile à vivre pour lui. Depuis que je le connais, il est passionné par son métier. Il s’est formé durant des années: 3 ans d’apprentissage, une année de maturité, 3 ans de HES. Et maintenant, consécration, il est
devenu infirmier diplômé. Mais je m’inquiète pour lui. Combien de temps va-t-il encore pouvoir tenir dans ces conditions? Quand va-t-il rejoindre ces 40% qui abandonnent ce métier, pourtant si beau?
Alors pour lui, pour toutes ses consœurs et confrères, pour les
patient-e-s et les futur-e-s patient-e-s, je voterai oui à l’initiative pour des soins infirmiers forts et je vous encourage à le faire.
Adriane Bossy,
parti socialiste Vallée de Joux