Le plan de sauvegarde du Tarier des prés a été mis en œuvre en 2014 en parallèle au projet de réseau écologique de la Vallée de Joux, dont cet oiseau a été désigné comme espèce cible (voir article dans FAVJ du
14 mai dernier en page 4).
Le Tarier des prés (Saxicola rubetra) est un passereau insectivore de la taille d’un moineau qui niche au sol. Cette espèce se raréfie en Suisse comme dans toute l’Europe et la Vallée de Joux constitue l’un des rares endroits où elle nidifie encore. A l’échelle nationale, le Tarier figure sur la liste rouge avec le statut d’espèce vulnérable. Il constitue également l’une des 50 espèces prioritaires du «Programme de conservation des oiseaux en Suisse».
Le Tarier a besoin de prairies fleuries riches en insectes pour garantir le succès de sa reproduction. Cette espèce niche le plus souvent en fond de vallée, où se trouvent également les prairies les plus productives. Une fauche trop précoce conduit généralement à la destruction du site de reproduction de l’oiseau – dit «territoire» – avant que les couvées ne puissent prendre leur envol.
Mais qui est au juste ce visiteur de La Vallée? A partir de la mi-avril, le Tarier revient de ses quartiers d’hiver situés dans les savanes africaines pour se reproduire, soit un voyage de plus de 6’000 km pour un oiseau pesant moins de 20gr! Il a été observé que certains individus peuvent voler jusqu’à 4’000 km d’un trait sans arrêt majeur! Les couples se constituent dès la fin du mois de mai. Le nid est construit au sol dans une dépression, généralement sous une touffe d’herbe. Durant le mois de juin, la femelle y dépose un total de 5 à 7 œufs turquoises de 14 à 19 mm et assure ensuite seule leur couvaison, qui dure de 11 à 13 jours. Mais dès l’éclosion, ce sont les deux parents qui s’occupent des oisillons. Les jeunes quittent le nid 11 à 14 jours plus tard, mais ne sont pas encore capables de voler et restent cachés dans la prairie. Ils prennent leur envol à un âge compris entre 19 et 21 jours. Les premières familles peuvent être observées à partir de la mi-juillet, mais la plupart se rencontrent à partir du 20 juillet. Les jeunes restent en famille dans les environs du nid pendant 2 à
4 semaines. Les Tariers quittent ensuite leur lieu de reproduction et repartent passer l’hiver dans les savanes africaines.
Le plan de sauvegarde du Tarier résulte d’un partenariat entre les agriculteurs de la région, le bureau d’ingénieurs CSD en charge de sa mise en œuvre et la Direction Générale de l’Environnement du canton de Vaud – section biodiversité (DGE – BIODIV). Un suivi est réalisé chaque année à partir de la fin mai pour repérer les territoires de l’espèce. Des zones de report de fauche d’environ un hectare sont ensuite mises en place sur les secteurs occupés par l’oiseau, mesure qui permet au Tarier de mener sa nidification à terme. Pour information, les prairies extensives et peu intensives de la Vallée de Joux peuvent être fauchées à partir du 1er juillet. La protection du Tarier implique de reporter la fauche de
30 jours jusqu’au 1er août.
La mise en place des mesures de sauvegarde repose sur la bonne collaboration des exploitants concernés par la présence d’un ou de plusieurs territoire(s) de l’espèce sur leurs parcelles. En contrepartie de la perte de fourrage induite par les zones de report de fauche, deux options de compensation leurs sont proposées.
Dans le cadre du réseau écologique, les agriculteurs laissent une zone non fauchée équivalant à 10% de la surface de chaque prairie inscrite au réseau. La première possibilité consiste à regrouper l’ensemble de ces 10% non fauchés sur la ou les parcelle(s) occupée(s) par le Tarier. La seconde possibilité consiste en un dédommagement financier correspondant à la perte de fourrage, car le rendement et la qualité du foin récolté après la fin du mois de juillet baissent considérablement.
Où en est-on aujourd’hui? Les résultats des derniers suivis tendent à confirmer une évolution favorable des effectifs de Tariers, ainsi que l’effet positif des actions réalisées dans le cadre du plan de sauvegarde. Cependant le maintien de l’espèce à la Vallée de Joux reste étroitement lié aux mesures de protection mises en place chaque année avec la bonne collaboration des exploitants Combiers et Combières.
Louis-François Berney,
Président de l’Association du réseau écologique de la Vallée de Joux
Véronique Smyke,
CSD ingénieurs SA