Le 13 juin prochain, nous serons appelés à nous prononcer sur deux initiatives populaires aux titres aguicheurs «Pour une suisse libre de pesticides de synthèse» et «Pour une eau potable propre et une alimentation saine». Des énoncés qui pourraient passer pour sympathiques. En réalité, ce n’est pas le cas.
Celui qui veut éviter d’être berné doit se méfier de ces slogans trompeurs et prendre pleinement conscience des conséquences concrètes dissimulées aux tréfonds de ces textes. Il faut d’ailleurs constater qu’aucun pays au monde n’a adopté des législations aussi extrêmes! Et pour cause.
Selon une étude du professeur Gottlieb de l’Université de Saint-Gall, l’acceptation de la première initiative entraînerait une diminution de la production de l’agriculture suisse d’au moins 25%. L’équivalent d’une exploitation agricole sur quatre… du travail d’une famille paysanne sur quatre! Alors, quelle exploitation agricole devrait disparaître: celle de la famille Chevalley à Puidoux, celle des Germain à St-George, celle des Cornamusaz à Trey ou bien encore le domaine viticole des Gentizon à Constantine?
Cette réduction drastique de la production agricole locale générerait des drames humains dans une profession déjà frappée lourdement par le suicide et au seul bénéfice des importations. Le paradoxe serait d’autant plus spectaculaire que l’agriculture suisse est soumise, aujourd’hui déjà, aux normes environnementales parmi les plus sévères au monde! L’on voudrait favoriser des productions moins soucieuses de l’environnement en sacrifiant nos familles paysannes que l’on ne s’y prendrait pas autrement…
Or la Confédération et les cantons – le soussigné préside la conférence suisse des chefs de départements en charge de l’agriculture – ont mis en place des politiques de réduction des produits phytosanitaires, politiques qui portent leurs fruits: la vente des produits phytosanitaires en Suisse a diminué de 40,5% depuis 2008! Ces actions concrètes et déterminées sont efficaces parce que le monde agricole les soutient et les porte.
L’initiative dite «eau propre» quant à elle vise à exclure des paiements directs les exploitations devant recourir à l’achat de fourrage pour nourrir leurs animaux… même si le fourrage acheté provient de la ferme d’à côté! L’éleveur de porc ou de volaille qui ne produit pas lui-même les aliments nécessaires à ses animaux n’aurait plus que ses yeux pour pleurer…
Derrière notre agriculture, il y a des hommes, des femmes, des enfants, des familles; nos écoles d’agriculture sont pleines de jeunes qui aspirent à devenir paysans ou vignerons, malgré les devoirs exigés par ces professions. Ne les sacrifions pas sur l’autel de slogans! Ne sacrifions pas la famille Chevalley de Puidoux, les Germain de St-George,
les Cornamusaz de Trey ou les Gentizon de Constantine. Ils ont aussi le droit de vivre de leur métier.
Philippe Leuba
Conseiller d’Etat,
Président de la Conférence
suisse des directeurs cantonaux de l’agriculture