Faut-il interdire le port du béret basque en Suisse? La question mérite d’être posée. En effet celui-ci ne fait pas partie de notre tradition helvétique, et il a des connotations de séparatisme mal venues dans notre pays où plusieurs cultures cohabitent tant bien que mal.
De même il conviendrait d’interdire rapidement les coiffures rasta, les «dreadlocks». Ça nous vient de Jamaïque, ce n’est pas de chez nous. Et, en général, celles et ceux qui les portent ont tendance à fumer de l’herbe et sont de dangereux pacifistes. Rasez-moi tout ça!
Il y aurait encore beaucoup d’autres tenues vestimentaires, capillaires (pensez juste aux sourcils de Berset) à interdire.
Le «parti de la liberté» comme il s’autoproclame devrait lancer des initiatives en ce sens. C’est vrai, on est libre d’interdire, quand même! Et ce n’est pas grave si on s’attaque à des problèmes qui n’en sont pas. Tant que ça fait parler du parti, que ça instrumentalise le débat démocratique en attisant la peur et la haine de l’autre, et que ça occulte les vrais débats. Une très bonne opération marketing, somme toute! De là à dire que c’est du populisme…
D’ailleurs heureusement qu’on a interdit la construction des minarets. Sans ça que serait devenu le charmant village du Brassus avec de telles bâtisses?
Cette initiative pour l’interdiction de se dissimuler le visage, ou «contre la burqa» selon son intitulé populaire (ça fait plus peur, une burqa qu’un voile, ça a du treillis – et l’on en croise tous les jours) ne va protéger personne. Elle est juste islamophobe et liberticide.
Cette initiative ne va absolument pas améliorer les conditions des femmes de notre pays. Le droit fédéral permet déjà de punir quiconque contraint une femme à se dissimuler le visage (art. 181 du code pénal sur la contrainte).
Au contraire, 50 ans après l’octroi du vote des femmes, qu’avons-nous besoin de leur dire comment s’habiller? Trop court par-ci, trop long par-là? A-t-on le droit d’interdire à une femme de se voiler, tout en se proclamant contre l’asservissement de la femme? Il y a là semble-t-il pour le moins une certaine contradiction.
Il est intéressant de lire l’interview de la sociologue Agnès De Féo, publié dans le 24 Heures du 11 février. Elle a suivi le phénomène des femmes portant le niqab en France à partir de 2008, soit deux ans avant l’interdiction de 2010. Il ressort que ces femmes n’ont pas fait ce choix sous la pression d’un homme. L’interdiction en France a par ailleurs paradoxalement incité beaucoup de femmes à le porter: «Un phénomène s’est créé, et des jeunes filles y ont vu un moyen de subversion. Il y a là un malentendu frappant: la société voit dans le niqab un instrument de soumission, alors qu’elles y voient une transgression».
A noter que les organisations de défense des droits humains condamnent fermement cette initiative. Amnesty International, par exemple, est «résolument opposée à l’interdiction de se dissimuler le visage. Cette initiative instrumentalise les femmes pour répandre une vision stéréotypée de l’Islam, attiser les peurs et instaurer une nouvelle loi liberticide portant atteinte aux droits fondamentaux des minorités».
Humanrights.ch souligne également «le risque tout à fait réel que ces initiatives font courir à la liberté d’opinion et de réunion qui prévaut en Suisse».
Quant à l’argument des criminels masqués… autant en rire: s’ils sont criminels, qu’ont-ils à faire d’une telle interdiction?
Pour stopper l’extrémisme – le slogan de cette campagne – une interdiction des crânes rasés, et des catogans valaisans, serait sans doute plus appropriée. Et d’abord et surtout voter NON à cette initiative.
Christian Vullioud
Parti socialiste Vallée de Joux
Les Vert·e·s Jura-Nord vaudois