Grande journée de votation le 7 mars prochain. Elections communales et municipales chez nous. On va, d’ici là, éplucher les listes de candidats, cherchant à en débusquer qui sortent de l’ordinaire… et qui n’ont donc aucune chance d’être élus, puisqu’en Suisse on n’aime pas trop ce qui déroge. Je viens de recevoir mon «matériel de vote»: au chapitre des candidats à la Municipalité, une seule Liste. Et puisqu’en ces temps fanatiquement statistiques on aime les chiffres, elle porte le titre de «Liste 1». On cherche en vain la «Liste 2». Il n’y en a pas. C’est normal puisque le «parti» regroupant les candidats s’appelle «Entente». Quand je vous disais qu’on vit dans un bien paisible pays! En cette période d’angoisse collective, j’aurais bien volontiers imaginé une «Liste 2» désignée «Détente»!
Trois objets fédéraux sont également soumis au peuple. Laissons pour l’instant le troisième. On y reviendra peut-être.
Premier objet: voulons-nous inscrire dans notre Constitution fédérale l’interdiction de se dissimuler le visage?
Deuxième objet: acceptons-nous la Loi fédérale sur les services d’identification électronique?
Ces deux objets ne sont pas tout-à-fait sans rapport, puisqu’il s’agit de savoir comment nous faire connaître de nos semblables. On peut-être reconnu par son visage, l’éclat d’un regard, la douceur d’un sourire ou quelque pli au front trahissant une pensée. On peut l’être aussi par un fichier numérique à la sauce Blockchain et protégé par un cryptage réputé inviolable. Voilà que la poésie danse avec l’électron: quand je vous disais qu’on vit dans un beau pays!
En plus, ce sera très amusant: si l’on en croit les sondages, nous accepterons l’interdiction de dissimuler nos visages. Et c’est donc visages masqués que nous glisserons l’enveloppe dans l’urne et déciderons de l’interdiction des masques. On commencera donc par les «exceptions» de l’article constitutionnel, qui prévoit des dérogations pour des « raisons de santé ou de sécurité ». C’est sans doute qu’on avait anticipé que quelques petits malins, le lendemain du vote, se pourraient prévaloir de la nouvelle disposition pour jouer à «bas les masques»!
Nous allons donc interdire aux femmes de se voiler de pied en cap…mais pas au quidam de se bâillonner de barbe en nez.
Bref, on veut voir les visages… mais les cacher dès lors qu’ils pourraient s’avérer contagieux. Aucune crainte à avoir, puisqu’il aura désormais
l’e-ID.
Encore un acronyme: l’idée, c’est l’ID électronique. Qu’importe notre visage, c’est par notre identité numérique que nous nous ferons reconnaître. L’être, c’est le chiffre. La méthode a fait ses preuves dans l’univers carcéral. Et puis, comme le dit la brochure officielle, il est bien fastidieux de prouver son identité «par exemple en se présentant en personne». Ce sera tellement plus pratique en ligne… et nous voilà déjà en marche vers la «grande réinitialisation», le Great Reset à la Klaus Schwab, dont j’ai tenté une brève analyse dans ma Chronique «Et si l’on évitait de devenir de parfaits crétins» du 2 février dernier.
(www.bratzlav.ch)
Mais on s’interroge: que peut bien signifier l’interdiction de masquer le visage lorsque de toutes façons, que nous le voulions ou non, nous ne pouvons nous faire reconnaître qu’en exhibant quelque algorithme? Car il ne s’agit pas de savoir si nous consentons ou non à adhérer à
l’e-ID… mais de décider à qui le chiffrage de notre identité sera confié.
Car masqués, nous le demeurerons sans doute pour longtemps… et chiffrés aussi.
Jusqu’au jour béni où tous nos hochets électroniques, fricotant avec quelque pangolin robotisé, seront infectés d’un e-virus qui mettra le bazar dans les fonctions vitales de nos machines.
On s’en pourlèche déjà les babines!
Jean-Daniel Nordmann