Les forces aériennes constituent l’épine dorsale de notre armée, donc de notre défense nationale. Afin de maintenir la neutralité de la Suisse -tant au sol que dans les airs-, l’armée doit être en mesure de défendre son territoire de manière efficace et cohérente contre des menaces de toutes sortes. Cette mission est constitutionnelle.
En tant que pilote de plaisance depuis 27 ans et également pour avoir travaillé dans l’aviation pendant plusieurs années, je connais bien tout ce qui nous survole, et je peux attester sans parti pris qu’une police aérienne est nécessaire. Des milliers d’avions traversent la Suisse chaque jour. Ceux-ci ne transportent pas toujours que des passagers, beaucoup sont des cargos, certains sont interdits de vol à cause de leur mauvais état général. Ainsi en fonction de leur provenance, de leur chargement ou de leur immatriculation, Ils peuvent être interdits de survol de notre territoire. Par exemple, au plus fort de la crise du COVID-19, beaucoup d’avions militaires cargo provenant d’Allemagne pour l’Italie transitaient par la France. Cet état de fait est facile à démontrer en temps réel avec des applications comme «Flightradar24». Ainsi chaque année notre police aérienne intercepte, entre une vingtaine et une quarantaine d’avions en infraction, sans compter les missions d’identification d’avions ou de drones en panne de transpondeur, ainsi que les missions d’aides apportées aux petits avions pour la navigation en cas de mauvais temps ou de détresse.
Ainsi permettez-moi d’avancer quelques considérations générales.
Bien que l’Europe centrale soit actuellement en paix et stable, un conflit ne peut jamais être exclu dans le futur avec une certitude absolue. Pas loin d’ici, la guerre fait rage dans l’est de l’Ukraine, et les tensions en Biélorussie mettent au grand jour les manipulations des grandes puissances (Europe comprise) dans la géopolitique mondiale. Des menaces connues, mais aussi des menaces inconcevables, peuvent survenir à tout moment sans avertissement; la Suisse ne fait pas exception. L’histoire nous enseigne que la stabilité sociale ainsi que des finances publiques fortes participent grandement à éviter des guerres. Si notre pays possède l’économie la plus résiliente au Monde avec le Canada et la Finlande, elle a la chance également de posséder une cohésion sociale de tout premier ordre, grâce notamment à notre système politique. Mais pas besoin d’être grand clerc, pour constater que même autour de nous ce n’est plus le cas. Ainsi la sécurité est un bien précieux dans lequel il faut investir et qu’il faut entretenir, car la sécurité ne va pas de soi, elle ne l’a jamais été, ni maintenant, ni à l’avenir.
L’acquisition d’avions de combat est un investissement qui a des conséquences à très long terme. Si aucun nouvel avion de combat ne devait être acquis, la mise hors service des F/A-18 C/D Hornets signifierait une perte complète et durable du savoir-faire et des capacités correspondantes. Sans avions de combat performants, la police aérienne ne pourrait plus être exercée de manière adéquate et conforme aux normes internationales, et la Suisse perdrait pour plusieurs décennies la capacité de protéger son espace aérien de manière autonome. Un avion de combat est un outil très complexe qui nécessite plus de vingt ans, entre sa conception et son aboutissement. S’ensuit trente années de mise à niveaux afin de le maintenir en état opérationnel, pour être ensuite classé définitivement obsolète. Ce ne sont pas seulement des engins qui font du bruit et qui vont vite, ce sont les yeux du pilote dans le ciel, capable d’intercepter et visualiser à l’aide de capteurs sophistiqués, tout ce qui est au sol, et tout ce qui vole du sol aux confins de l’atmosphère, et cela dans un rayon de plus de 800 km! Posséder la capacité de projeter un être humain vers la menace est cruciale en cas de crise afin de limiter les erreurs fatales. Cela ne peut se faire avec des avions différents des autres ou des drones bardés de capteurs électroniques. Ces derniers ne remplacent pas l’œil humain. Accepter que des drones remplacent des pilotes, c’est accepter que des machines fassent la police, ou la guerre à notre place!! a-t-on vraiment envie de cela? La police aérienne doit être équipée du matériel le plus performant, comme notre police sur les routes? Imaginez-vous notre gendarmerie rouler en Dacia.
La pandémie COVID-19 nous a fait prendre conscience de la vulnérabilité de notre société et de notre économie, d’une part, et de l’évolution rapide de la situation mondiale, d’autre part. Il y a quelques mois à peine, le scénario selon lequel un virus pourrait entraîner la fermeture de pays entiers et l’arrêt de leur économie aurait été inconcevable. Il est apparu assez rapidement qu’en cas de crise, chaque pays prend d’abord soin de lui-même. Il est trompeur de croire qu’en temps de crise, nous pouvons compter sur le soutien inconditionnel des pays voisins et amis. Certes, notre armée intensifie d’année en année sa coopération en matière de sauvegarde et de souveraineté de l’espace aérien; mais cette coopération n’est pas gratuite. L’idée qu’un manque de capacité puisse être compensé par une coopération sans apport de ses propres ressources d’avions similaires est irréaliste.
En période de tension accrue, il s’agirait de maintenir la Suisse hors d’un conflit aussi longtemps que possible. A cette fin, disposer de moyens de défense aérienne modernes capables d’assurer un large éventail d’engagements augmente de manière considérable la liberté d’action à l’échelon militaire stratégique. En tant que système militaire clé à haute valeur opérationnelle, les avions de combat permettent de conduire des actions tant lors des phases d’escalade que de désescalade d’une crise. Disposer de moyens de défense aérienne modernes, polyvalents et interopérables crée par ailleurs les conditions techniques requises pour coopérer avec des partenaires et augmente ainsi la marge de manœuvre de la Suisse pour que nous puissions continuer à nous protéger efficacement contre les menaces à l’avenir.
Les Suisses dépensent chaque année plus de 82,5 milliards pour leur santé et plus de 162 milliards pour les assurances sociales (chiffres 2017). Cet argent est mis à profit de chaque habitant de notre pays grâce à une économie forte. Or l’économie a besoin de sécurité et de stabilité. La clé de voûte de cette sécurité coûte
6 milliards, prélevés sur le budget de l’armée et de toute manière affectés au budget de la défense.
Pour assumer l’avenir de nos enfants, je vous invite à voter et à faire voter OUI à la question «Acceptez-vous l’arrêté fédéral du 20 décembre 2019 relatif à l’acquisition de nouveaux avions de combat?»
Stives MORAND