Princesse d’un royaume béni,
Tu courais par les montagnes et les vallées,
Tu caressais l’eau des lacs,
Tu accrochais tes cheveux dorés aux arbres des forêts.
Le printemps te couvrait des fleurs du verger.
L’été te gorgeait du lait des pâturages.
L’automne t’enivrait du suc des raisins.
L’hiver te tressait une couronne de givre, qui fondait au coin du feu.
Quelle vie de gaieté et d’insouciance JUSQU’À CE QUE…
… tu te piques le doigt à une épine vénéneuse.
Un vertige s’ensuivit, et tu t’endormis, doucement, bercée par le vent!
Plus rien ne bougeait autour de toi: tout était comme figé!
Tes sujets étaient recroquevillés dans leur maisonnette, devant leur petite lucarne colorée.
Les carrosses roulaient encore un peu pour trimballer leur marchandise.
Quelques troubadours chantaient encore à leur balcon.
Quelques financiers faisaient encore leurs comptes…
Les savant-docteurs, épuisés, cherchaient dans leurs livres de médecine….
Et, les elfes, en blouse blanche, n’arrivaient plus à contenir le venin qui coulait encore de cette funeste épine!
HÉLAS! Tous les seigneurs et les gueux, qu’ils fussent riches ou pauvres, ne pouvaient rien pour «La Belle Endormie»
Les chambellans de la Cour se réunirent en leur Conseil des Sages, réfléchirent longuement, espérant le miracle, qui réveillerait «La Belle Endormie»… peut-être, le baiser d’un prince, pensaient-ils…
Aussitôt, on fit battre tambour dans toute la contrée, pour trouver l’heureux élu, qui pourrait sortir la Belle de sa léthargie!
Il en vint des centaines: des beaux, des laids, des gros, des minces… peu importe, tous étaient persuadés que ça valait la peine de «réveiller» une princesse et, peut-être, d’avoir une récompense!
ILS ESSAYÈRENT, tour à tour:
– CELUI, avec ses tableaux précieux
– CELUI, avec ses poches pleines d’or
– CELUI, avec ses potions magiques
– CELUI, avec les horloges les plus perfectionnées
– CELUI, en habit de fête, avec les nectars de la vigne, les plus doux au gosier.
ILS EURENT BEAU FAIRE ET BEAU DIRE, en se penchant sur «La Belle Endormie»: ELLE NE SE RÉVEILLA POINT!
Les chambellans de la cour étaient DÉSESPÉRÉS…JUSQU’À CE QUE…
… se présente, aux portes du château, un solide gaillard, de belle figure, aux cheveux couleur noir de jais, et aux yeux d’un bleu très pur…
Très modestement vêtu, il portait à la ceinture, une petite fiole d’argent.
On le fit entrer au château et on lui demanda d’où il venait.
Il raconta qu’il était berger, tout en haut de la montagne, et, qu’aujourd’hui, jour de marché, il était descendu au village… mais… il n’y avait plus de marché. Les rares badauds, qui arpentaient la place lui parlèrent DU GRAND
MALHEUR!
C’est ainsi que, curieux et ému, il s’était risqué aux portes du château!
Il raconta, que, sur un des plus hauts sommets de son alpage, il avait trouvé une FLEUR DÉLICATE, au creux d’un rocher.
FLEUR ÉTOILÉE, en ROBE DE VELOURS et au PARFUM de GRANIT, il l’avait cueillie, et mise à macérer dans l’eau du glacier la plus pure qu’il pût trouver.
Cela donna un breuvage au parfum étrange… il n’en but pas, mais le versa dans une petite fiole d’argent, qu’il conservait précieusement comme porte-bonheur.
Comment le berger de la montagne trouva-t-il l’audace de s’approcher de la couche de «La Belle Endormie»: à ce jour, personne ne le sait!
Mais… la voyant si belle dans son somme, il la prit dans ses bras et versa quelques gouttes du liquide contenu dans la petite fiole d’argent, entre ses lèvres entr’ouvertes…
ET, Là, LE MIRACLE SE PRODUISIT!
Elle ouvrit un œil, puis l’autre, et, voyant ce joli visage si près de sa bouche, c’est ELLE qui lui donna un baiser!
Les chambellans de la cour se félicitaient: «La Belle Endormie» était réveillée!
Il fallait festoyer: un immense banquet fut organisé!
A la grand-table du château, la princesse était vêtue d’une robe blanche ornée de la dentelle de toutes les cimes du pays, un corselet vert de ses pâturages parsemés de fleurs des champs, fermé par un lacet bleu de ses rivières.
Son front était orné d’un diadème d’émeraude, couleur des petits lacs du Haut-Pays.
Le berger n’avait d’yeux que pour la Belle, radieuse dans ses précieux atours, mais, lui, avait tenu à porter son simple costume de drap brun et, pendue à sa ceinture… la petite fiole d’argent!
ÉPILOGUE: ce que l’on sut bien après… c’est que l’élixir, dans la petite fiole d’argent, ne contenait pas seulement la fleur de velours au parfum de granit… mais, aussi, L’âME D’UN PAYS TOUT ENTIER, faite de JOIE, d’AMOUR, d’AMITIé et de SOLIDARITé! Cher lecteur, l’aurais-tu deviné?
L’auteur de «La Belle Endormie»