Depuis trente-deux ans que le Théâtre d’Eté Vallée de Joux existe, depuis dix-sept spectacles les plus variés, je crois n’avoir jamais observé un tel foisonnement de commentaires que pour «Le silence des Bois». Commentaires bouleversants de personnes nous abordant les yeux rougis d’émotion, félicitations de toutes sortes, sur la conception du spectacle, sur son originalité, sur l’idée d’introduire d’importants moyens vidéo, appréciations élogieuses des bascules rafraîchissantes entre les moments d’émotion et les scènes divertissantes du plateau de tournage. Et déception parfois aussi. Si nous avions joué un vaudeville ou une comédie de boulevard, jamais nous n’aurions reçu autant de messages contrastés. Preuve que le sujet des passeurs conserve un impact émotionnel important, malgré le silence qui a entouré leur action durant des décennies et malgré le temps qui a passé depuis la Seconde Guerre.
Je note enfin que de nombreux descendants de passeurs français et suisses sont venus nous épauler pour ce spectacle auquel ils ont pris un immense plaisir.
Nous autres, comédiens amateurs du Clédar n’avons pas à juger des réactions du public. Lors du travail de préparation du spectacle, nous aussi avons passé par tous les stades d’émotion, de questionnement et de recherche. Mais lors des représentations, seul le spectateur est juge de notre travail, lui seul reçoit ce que la scène lui adresse, selon sa sensibilité et ses attentes. Sur les cinq mille spectateurs qui ont vu «Le Silence des Bois», la diversité des réactions est donc bien compréhensible, surtout sur un tel sujet.
Madame Baccini a exprimé dans ces colonnes sa déception sur la manière dont le sujet a été abordé par notre écrivain-metteur en scène Michel Toman. Nous prenons acte de sa réaction comme nous acceptons tous les commentaires qui nous sont parvenus. Nous regrettons simplement de n’avoir pas su la convaincre et la charmer par notre prestation.
Nous aimerions cependant rester sur une note plus optimiste, aussi reproduisons-nous ci-dessous (et avec son accord) le commentaire reçu récemment d’une spectatrice enthousiaste, lequel reflète d’ailleurs l’essentiel des réactions reçues.
Georges-Henri Dépraz
Chers amis du Clédar,
Vous pouvez être fiers de votre prestation et mon mari, mes amis et moi vous disons Merci pour le bon moment que vous nous avez fait vivre.
Entrer dans le spectacle demandait de lâcher prise, de se laisser porter par le spectacle… opération réussie.
Le Silence des bois ne se voulait pas un documentaire sur les passeurs du Risoud qui ont fait l’objet de plusieurs livres et dont on a parlé récemment sur VALTV.
Le silence de cette forêt si mystérieuse apparaît derrière chaque tableau relatant le travail secret des passeurs, la souffrance de ce peuple persécuté qui se doit de s’identifier en portant l’étoile et que dire de cette femme qui lutte pour ne pas se laisser saisir par le froid… de ces fantômes … il parle aussi de la délation… Bref de l’humain pas toujours reluisant.
Dommage qu’une partie du public ne se soit pas laissé porter par ce spectacle, envoûter par le mystère qu’il a su dégager et émouvoir par la souffrance qui transparaissait de certaines scènes.
BRAVO à la compagnie du Clédar qui nous a rappelé d’avoir une pensée émue pour tout ce qui peuple notre impénétrable Risoud.
Françoise Locatelli,
L’Abergement